L'invention de la notion de durabilité
Le roi de Saxe développe à la fin du XVIIIe siècle les mines d'argent du royaume et lance la fabrication de porcelaines. L'étaiement des mines et les fours à céramique consomme de grandes quantités de bois. Carl von Carlowitz, ingénieur en charge des forêts, s'aperçoit rapidement que la surexploitation va conduire à l'épuisement des ressources. Dans son ouvrage sur l'économie de l'exploitation forestière, il prône un usage durable des ressources et emploie le terme de durabilité (Nachhaltigkeit).
Ce faisant, il s'inspire expressément de l'ordonnance de Colbert de 1669 sur les eaux et forêts. Elle-même reprenait une longue tradition de la royauté française puisque la première ordonnance royale sur la question, édictée par Philippe VI de Valois, stipule: "Les Maîtres des forêts enquerreront et visiteront toutes les forêts et bois qui y sont et feront les ventes qui y sont à faire, eu regard à ce que les-dîtes forêts et bois se puissent perpétuellement soustenir en bon état." C'est ce vieux verbe français "soustenir" qui donnera la traduction anglaise de durabilité, sustainability. L'idée de solidarité intergénérationnelle est présente dans la réflexion : l'ordonnance de 1669 explique qu'il faut exploiter dans la perspective de la postérité, c'est-à-dire de ceux qui seront sur terre quand nous n'y serons plus.
Cette définition de la durabilité n'est pas explicite dans l'ouvrage de Carlowitz, mais elle apparaît en 1795 dans le livre d'un de ses disciples, Georg-Ludwig Hartig. Ce dernier énonce en effet qu'il convient de gérer les forêts "de sorte que les générations futures puissent en retirer au moins autant d'avantages que les présentes."
L'une des origines du développement durable est donc à chercher au dix-huitième siècle lors des premiers développements industriels. Cette origine est de nature technique et économique. Mais la fin du XVIIIe siècle voit aussi l'élaboration des premières grandes constitutions et la question des générations futures a été discutée en cette occasion. [...]
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